Section Paysages en mutation

« Le paysage est le mot que l’on peut donner à ce qui nous est commun. Nous avons besoin du collectif pour l’appréhender et le comprendre. »

Dominique Marchais À travers cette section, le Festival Close-Up se propose d’ouvrir quelques fenêtres sur le monde afin d’interroger nos manières d’habiter et de cohabiter avec le vivant. Invité d’honneur en 2021, Dominique Marchais revient cette année avec son dernier opus présenté ici en avant-première. Dans La rivière, il s’intéresse aux gaves, ces torrents de montagne qui subissent les méfaits de l’agriculture intensive et des barrages limitant inexorablement la reproduction des saumons. Dans une approche sensible, poétique et rigoureuse, le réalisateur filme le cycle de l’eau et la biodiversité malmenés par l’activité humaine depuis des décennies. Il souligne que le temps de « (...) filmer la rivière est comme suspendue entre mémoire d’un passé fastueux et peur d’un avenir desséché. » De l’autre côté de l’Atlantique, au Brésil, le documentaire Transamazonica : entre ciel et terre nous alerte sur les limites d’un système productiviste qui broie toute biodiversité. À bord de son para-moteur, Sylvestre Campe part à la découverte de la beauté et des richesses d’une Amazonie de plus en plus menacée et dont cette cicatrice de 4300 kms en est le terrible marqueur. Il croise sur sa route des hommes et des femmes, témoins souvent impuissants et victimes d’une exploitation forestière et minière sans limites. Ce développement prédateur contraste avec le récit d’Elisa Levy dans Composer les mondes qui donne corps aux propos de l’anthropologue Philippe Descola. Son expérience amazonienne est mise en perspective avec l’expérimentation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes où cohabitent humains et non-humains. Après une lutte acharnée contre un grand projet d’aéroport, une nouvelle manière de vivre et de cohabiter avec la nature a germé sur cette zone. Elisa Levy essaie à travers son film de réconcilier l’humain avec le sensible afin « de redonner vie à ce que l’on voit, et d’imaginer ce que nos yeux ne voient pas ; faire surgir la magie pour ré-enchanter notre monde ». Le ré-enchantement du monde passera aussi par notre capacité à réduire drastiquement notre production de déchets, qui partout dans le monde souillent et défigurent nos paysages. Dans le radical et puissant Exogène, le documentariste autrichien Nikolaus Geyrhalter nous embarque dans une odyssée autour du monde, à la fois fascinante et tragique. Plus proche de nous, dans le vert Limousin, Émilie Deleuze met en scène avec 5 Hectares la quête un peu désuète d’un cadre parisien nouvellement installé à la campagne et à la recherche d’un tracteur. Son obstination le mène aux quatre coins du territoire à la rencontre de celles et ceux qui l’habitent. L’occasion pour la réalisatrice d’interroger avec humour et tendresse le statut des néo-ruraux et de filmer avec douceur cette belle région, rurale et préservée. Autant de propositions, fortes et singulières, qui témoignent de notre rapport au monde et qui nous bousculent. Une invitation à garder les yeux grands ouverts.

Aldo Bearzatto et Hervé Bougon, directeurs artistiques du Festival Close-Up